Juifs, musulmans ou chrétiens, ils chantent ensemble devant 700 enfants à la grande mosquée de Strasbourg.
Depuis 11 ans, les sacrées journées permettent d’entendre des musiques religieuses dans les lieux de culte strasbourgeois, les uns chez les autres et vice versa. Jeudi 19 octobre, une chanteuse chrétienne, un chanteur juif et un ensemble musulman ont chanté devant 700 enfants de Strasbourg et leurs enseignants. Un moment rare et joyeux, malgré l’actualité récente.
C’est un improbable concert, un ensemble musulman succède à une artiste chrétienne arménienne et à un cantor juif. Il a eu lieu à la grande mosquée de Strasbourg jeudi 19 octobre, dans le cadre du festival de musique religieuse les sacrées journées.
Et le public, ce sont 700 enfants, venus des quatre coins de l’Eurométropole avec leurs enseignants. Mais au fond, tout le monde ici comprend l’importance de la rencontre. Il y a une urgence à chanter ensemble en arabe, en hébreu et en arménien des chansons qui parlent de joie et de bonheur. Et ça marche au-delà des attentes.
Les enfants applaudissent en rythme, répètent en hébreu “hava naguila” (réjouissons-nous), une chanson de fête, devenue si populaire qu’elle fait partie du folkore israëlien. Philippe Kahn, cantor juif de l’Union juive libérale de Strasbourg, passe dans la rangée centrale, et les enfants assis en tailleurs sans leurs chaussures tendent leurs mains vers lui sur son passage.
Puis c’est au tour de Varduhi Toroyan, chanteuse arménienne chrétienne orthodoxe d’émerveiller l’assemblée par son chant très pur. Tel un oiseau qui plane au-dessus des têtes attentives des enfants. Elle finit par leur apprendre une petite chanson, et leur lance des “batchi”, des baisers en leur disant “je vous aime”.
L’ensemble Safa (pureté, en arabe) clôt le concert avec des chants religieux soufis. Les cinq hommes entonnent une seule et même mélodie et Yassine Hawa fait des variations en soliste, les yeux fermés et les oreilles vers les autres. Les enfants les acclament autant que les autres. À la différence de Varduhi Toroyan et Philippe Kahn, tous les cinq ne sont pas chanteurs professionnels. Ils sont médecins, informaticiens ou travaillent dans le bâtiment et se sont rencontrés autour de la musique sacrée. Ces cinq chanteurs sont originaires du Maroc, d’Algérie et de Tunisie, tous sont aussi Français, quatre sont strasbourgeois.
Réunir des valeurs de la République
À la fin du concert et avant d’autoriser les enfants à se lever et ressortir de la mosquée, Yassine Hawa prend la parole. “Ce qu’on a fait aujourd’hui, c’est se réunir autour de valeurs, des valeurs de l’éducation et des valeurs de la République. Et ça, vous avez une grande chance de le vivre avec vos professeurs, dans votre ville. N’oubliez pas une chose : acceptez les gens comme ils sont, ne voyez pas le mal chez les autres. Gardez toujours la lumière dans votre cœur, le bon comportement. Et c’est ça le vrai Français, le vrai citoyen. Ce que vous dîtes, ce sont de belles choses. Et votre comportement doit se refléter dans les valeurs républicaines de la France.”
Passant le micro à Philippe Kahn, celui-ci ajoute : “ce que dit Yassine, je le partage complètement. Musulmans, juifs, chrétiens, nous sommes tous frères ou cousins.”
Les sacrées journées ont été bousculées dans leur programme cette année par l’actualité et les événements tragiques qui ont eu lieu en Israël et dans la bande de Gaza. Des concerts à la grande mosquée et à la grande synagogue ont dû être annulés, une artiste juive a reçu des menaces de mort.
Mais les organisateurs, le directeur de la grande mosquée et les artistes ont absolument tenu à ce que ce concert devant les enfants ait lieu. “Parce qu’il est à visée pédagogique. Nous formons les citoyens de demain, et notre message de tolérance et d’ouverture d’esprit est plus que jamais d’actualité”, a appuyé le directeur de la grande mosquée.
Sources : France 3 Grand Est. Écrit par Florence Grandon